“Chaleureuse, sentimentale mais impitoyable avec elle-même, riche sans savoir mettre ses richesses en valeur, tantôt envahie tantôt libérée dans un entre-deux permanent, nostalgique mais amnésique, conservatrice mais prête à trouver géniales toutes les fumisteries pourvu qu’elles viennent d’ailleurs, fière de son histoire tout en méconnaissant le nom de ses propres aïeux, la Moldavie s’est forgé une identité à la fois multiple et démultipliée qui semble ne plus en posséder aucune. Un pied dans le XXIe siècle et l’autre dans le Moyen Âge, elle se déchire entre l’Est et l’Ouest, fêtant deux Noëls, faisant sauter les bouchons de champagne du réveillon à des heures différentes, hissant sur le même piédestal la cuisine traditionnelle de maman, les “sarmale”, et la “salade Olivier”. Si nous finissons enfin par nous accepter tels que nous sommes – même si cela nous déplaît -, essayons au moins de nous connaître ! Il est temps pour nous de comprendre de quoi nous sommes faits, quelle est la couleur de notre blason et le sens de ses attributs. C’est là tout le message contenu dans l’ouvrage que vous tenez entre vos mains. Un miroir sentimental dans lequel nous espérons que vous prendrez plaisir à plonger. Vous y trouverez des lieux à visiter, à sentir et à redécouvrir, vous y rencontrerez des gens simples et méritants de votre attention, des cuisiniers talentueux et soucieux d’authenticité. Vous y trouverez pêle-mêle des “cherdele”, des “arancini”, des moutons rôtis dans leur peau, des “alivenci”, des “placinte” aux feuilles de betteraves, des “covrigei opariti”, des jambons, des “scordole”, des “jahnii”, du gibier, des “chistilite”, du “ciorba”, du “bortsch sec” avec “hatmatuchi” et “dreslitii”, des “placinte” à l’oeuf cru, des “ghiozleme”, des “ghevreci”, du “ciorba de burta”, du “ciorba de burtica”, des “cozonaci” et autres “babes”, toutes choses généreusement arrosées, sel en cas, de vins divers et variés, de bière de millet, de vin de cerises, de “tuica” dans leurs bouteilles embuées. Une profusion d’arômes, de doux fumets, de goûts oubliés tout droit sortis des fumoirs paysans mais aussi des cahiers parfumés de princesses en exil prudemment réfugiées dans d’autres contrées. À cuisiner au printemps, en été ou en hiver, pour faire carême ou faire bombance. Pour réveiller sa mémoire, se souvenir des grands-parents et rêver. La cuisine moldave est aussi modeste que luxuriante, tout comme la cuisine ukrainienne, bulgare, juive, tsigane et gagaouze – au point qu’il serait dom dommage de faire semblant d’ignore que, depuis des siècles, nous mijotons tous dans le même chaudron.”
Angela Brașoveanu
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